Frédéric
JAPY - Un pionnier de l'Industrie horlogère
Sommaire
Avec
Jean-Pierre Peugeot, Frédéric Japy a été
l’un des créateurs de la grande industrie dans la
région montbéliardaise. Il est marqué dès
son enfance par la vie en collectivité et par les valeurs
de solidarité et d’entraide. Ainsi, lorsqu’il
construit son entreprise d’ébauches de montres, il
met en place un système de fonctionnement particulièrement
novateur que l’on qualifiera par la suite de paternaliste.
Une autre caractéristique de cette entreprise, qui va
rapidement assurer le dynamisme de toute la région
beaucourtoise, est le génie technique de son patron.
Frédéric Japy est en effet l’auteur d’une
dizaine de machines outils qui viennent révolutionner le
monde traditionnel de la fabrique d’horloges.
UNE
VIE DE SOLIDARITÉ ET D'INNOVATIONS

Né
à Beaucourt en 1749, Frédéric Japy est fils
de maréchal ferrant et issu d’une ancienne famille
beaucourtoise. Dès son enfance, il est initié aux
activités artisanales et apprend à vivre dans le
cadre structuré et solidaire des corporations. Mais
rapidement, son intérêt se porte sur la jeune et
prometteuse industrie horlogère jurassienne. Ainsi, après
avoir reçu une bonne instruction à Beaucourt puis à
Montbéliard, il part en apprentissage au Locle auprès
d’un artisan horloger. Deux années plus tard, il
devient ouvrier dans l’atelier d’un mécanicien
inventeur, Jean-Jacques Jeanneret-Gris. Cette rencontre est
déterminante pour sa réussite professionnelle
puisqu’il y découvre un matériel novateur qui
préfigure le principe de la machine-outil.
De
retour chez son père, il est guidé par un rêve
unique : construire sa propre fabrique d’ébauches
d’horloges au moyen de machines-outils. En effet, il
considère que produire mécaniquement l’ensemble
des pièces qui entrent dans la fabrication des montres
permettrait un gain considérable de temps et d’argent.
Dès 1773, son mariage avec Suzanne-Catherine Amstoutz lui
donne d’ailleurs la possibilité de transférer
ses activités horlogères dans l’un des
bâtiments de son beau-père.
Enfin,
en 1777, il crée sa propre fabrique à Beaucourt. Son
entreprise prend très vite de l’ampleur : sa
production passe de 2400 ébauches en 1780 à 12 700
en 1806. Ses trois fils héritent de ce succès dès
1806, lorsqu’ils prennent la tête de l’entreprise
: ils décident alors d’étendre et de
diversifier les activités en produisant des ébauches
de pendules à Badevel dès 1810 et en créant
une usine de production de vis à bois à la Feschotte
en 1811. La renommée de l’horlogerie Japy devient
bientôt internationale.
Affecté
par la mort de sa femme, Frédéric Japy décède
à son tour le 23 janvier 1812.
L’AFFIRMATION
D'UNE PHILANTROPIE

Une
nécessité sociale
Tout
en bouleversant la technique horlogère, Frédéric
Japy cherche à maintenir des relations sociales issues de
l’artisanat. En privilégiant la machine-outil, il est
amené à renoncer au travail à domicile pour
assurer un travail concentré permettant une production en
série. Cependant, il ne peut pas imposer aux ouvriers de
quitter leurs villages natals, sans leur assurer les mêmes
avantages que dans l’ancien système. Face à
ses contraintes extérieures, l’unique réponse
possible est de reconstituer une ambiance familiale au sein de la
manufacture en développant l’habitat social. La
création de logements, de salles à manger et de
cuisines dans les ailes du bâtiment central de l’usine
de Beaucourt amène naturellement les ouvriers à
vivre en commun. Tous considèrent alors Frédéric
Japy comme un père : « nous avions une profonde
vénération pour M. et Mme Japy. Nous
appelions Mme Japy, la Maman et M. Japy : notre Père »
raconte un ouvrier.
Le
fruit de convictions personnelles
La
mise en place d’un style de vie sous tutelle patriarcale n’a
pas que pour but de canaliser et de stabiliser les populations
ouvrières pour assurer l’ordre, la garantie de la
prospérité industrielle. Dès son enfance,
Frédéric Japy est marqué par des mœurs
collectives. Lorsqu’il crée sa fabrique, il est
convaincu qu’il peut aider ses semblables : « Je
veux que mes ouvriers ne fassent avec moi et les miens qu’une
seule et même famille. Mes ouvriers doivent être mes
enfants et en même temps mes coopérateurs. »
Pour
cela, il cherche à pourvoir à tous les besoins de
ses ouvriers. Il recherche une certaine communion des esprits :
il crée tous les magasins nécessaires et accroît
les garanties sociales offertes aux ouvriers. En 1818, après
sa mort, ses enfants créent même une école.
Frédéric Japy n’est alors plus seulement un
patron ; il devient aussi le garant de l’éducation
morale de ses ouvriers. De véritables lignées
familiales, comme les familles Plain ou Coulon,
travaillent désormais au sein de la fabrique Japy et
jouissent d’une reconnaissance locale incontestée.
LES
MACHINES-OUTILS DE L'HORLOGER JAPY

Lorsque
Frédéric Japy installe sa fabrique à
Beaucourt, les montres sont encore fabriquées selon le
système de l’établissage : le fabricant achète
toutes les ébauches nécessaires et les assemble
lui-même. Ainsi 150 ouvriers en moyenne interviennent pour
réaliser le produit fini en se cantonnant chacun à
une opération bien spécifique. Mais Frédéric
Japy a déjà fait l’expérience d’un
matériel beaucoup plus novateur. Ainsi, il passe rapidement
commande à Jeanneret-Gris d’une série de dix
machines différentes qui lui permettent de concevoir les 83
pièces de l’ébauche.
Un
système productif particulièrement novateur est dès
lors en place : l’utilisation de la machine-outil lui permet
d’embaucher des ouvriers non qualifiés, des femmes,
des vieillards… Grâce à cette nouvelle
division du travail, il est désormais possible de produire
les ébauches en série et dans un atelier unique. Ces
machines « infernales » imposent une concurrence très
rude à tout le monde artisanal et corporatif de
l’horlogerie : une ébauche de montre vendue à
7,50 F en 1793 sort à 2,50 F des ateliers beaucourtois.
Immédiatement, cette concurrence engendre la fermeture de
plus nombreux ateliers jurassiens mais elle agit aussi en Suisse
où la manufacture Japy écoule 91,3 % de sa
production.
Ce
faisant, Frédéric Japy impose la machine-outil comme
mode de production et se pose comme le principal initiateur de la
fabrication mécanique de montres. Cette technicité
Japy correspond sans conteste à l’un des trois
changements techniques nécessaires au démarrage de
la révolution industrielle : la substitution de l’invention
mécanique aux talents humains.
LE
POIDS DE LA FABRIQUE JAPY DANS LA RÉGION

à
l'époque
Au
XIXème siècle, l’entreprise de
Beaucourt était le fleuron du noyau manufacturier régional.
Les produits Japy étaient vendus dans plusieurs pays du
monde entier et l’entreprise employait près de 5000
ouvriers en 1860. Très vite, elle a assuré le
développement économique de la région et la
croissance démographique du petit village de Beaucourt qui
ne comptait alors que 200 habitants.
Mais
ce sont surtout les trois fils aînés de Frédéric
Japy qui ont assis la manufacture dans la région en
diversifiant ses activités tout en conservant les principes
fondateurs de leur père. Ainsi, l’usine de
fabrication de vis à bois créée en 1806
devient rapidement une branche industrielle à part entière.
Ensuite, la grosse horlogerie installée à Badevel
vers 1814, la serrurerie et surtout les ustensiles de ménage
en fer battu étamé produits à la Feschotte
depuis 1826, permettent à la manufacture de ne plus
dépendre uniquement des aléas du marché
horloger. En effet, à partir de l’usine de la
Feschotte, les successeurs de Frédéric Japy ont
développé une activité qui devient rapidement
le fleuron des usines Japy : l’émaillerie. Jusqu’au
milieu du XX° siècle, la diversification des activités
reste à l’ordre du jour avec la production de pompes,
de machines agricoles, de moteurs, de lustrerie, de machines à
écrire…
Et
aujourd'hui ?
Aujourd’hui,
pratiquement toutes les usines ont disparu. Mais Frédéric
Japy reste encore très présent dans la région
que ce soit dans les esprits ou au travers du musée qui a
été créé à Beaucourt en 1986 à
l’initiative d’élus locaux et d’anciens
ouvriers de l’entreprise.
Les
dates-clés
22
mai 1749: Naissance à Beaucourt de Frédéric
Japy
1768: Départ au Locle pour son apprentissage
16
février 1773: Mariage avec Suzanne-Catherine Amstoutz
1777:
Création de sa fabrique à Beaucourt
1799:
Dépôt d’un brevet d’invention de ses
machines-outils pour 5 ans
4
janvier 1812: Frédéric Japy décède au
moulin à Badevel
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